Trop jeune pour poursuivre le bail
Un fils âgé de deux ans peut-il devenir titulaire du bail de son père décédé ?
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L’histoire
Par acte sous seing privé du 11 novembre 1971, Cyrille avait pris à bail un ensemble de parcelles appartenant à Adèle. Il était décédé en 1977, laissant pour lui succéder son épouse, Marion et leur fils Gilles, âgé de deux ans. Par lettre du 31 janvier 2010, Marion avait informé Adèle qu’elle mettait les parcelles à la disposition de l’EARL de la Rose, dont Gilles, alors âgé de 35 ans, était le gérant. Enfin, par lettre du 18 février 2010, Marion avait informé Adèle, la bailleresse, qu’elle faisait valoir ses droits à la retraite, l’exploitation se poursuivant sous la direction de Gilles.
Le contentieux
Invoquant une cession illicite du bail au profit de l’EARL, Adèle avait saisi le tribunal paritaire en résiliation du bail. Elle était convaincue de son bon droit. En effet, l’article L. 411-37 du code rural impose au preneur, qui a mis les biens loués à la disposition d’une société à objet agricole, de participer aux travaux de façon effective et permanente.
Pour Adèle, la cause était entendue. Marion, qui avait poursuivi le bail au décès de son époux avait fait valoir ses droits à la retraite, en confiant la mise en valeur des biens loués à l’EARL, gérée par Gilles. Il s’agissait bien d’une cession prohibée du bail au profit de la société, justifiant la résiliation du bail.
Mais Marion ne l’entendait pas ainsi. Au décès du preneur, en 1977, son fils, Gilles, n’était-il pas devenu titulaire du bail, à ses côtés ? Un argument juridique qui semblait pertinent. En vertu de l’article L. 411-34 du code rural, en l’absence de toute demande de résiliation formée par le bailleur dans le délai de six mois à compter de sa connaissance du décès du preneur, le droit au bail de ce dernier ne se poursuit-il pas au profit de son conjoint survivant et de ses enfants, que ces derniers aient ou non participé à l’exploitation au cours des cinq années antérieures au décès ? Or en l’espèce, Adèle n’avait pas formé de demande résiliation du bail dans le délai imparti de six mois.
Les juges avaient retenu que Gilles, alors âgé de deux ans au moment du décès de son père, ne participait pas à l’exploitation et n’y avait pas participé effectivement au cours des cinq années antérieures à cet évènement. Il est vrai que des enfants mineurs ne peuvent, à raison de leur âge, participer à l’exploitation. Aussi, la continuation du bail, dont le mari était l’unique titulaire, s’était opérée au seul profit de Marion, dont il n’était pas contesté qu’elle remplissait les conditions de l’article L. 411- 34, de sorte que Gilles n’était, dès lors, pas devenu titulaire du bail rural au décès de son père.
L’épilogue
La Haute juridiction n’a pu que confirmer cette solution, pleine de bon sens. Elle est pourtant bien rigoureuse pour Gilles et l’EARL, qui perdent le droit d’exploiter les biens donnés à bail. Avant de faire valoir ses droits à la retraite, Marion aurait dû saisir la bailleresse d’une demande de cession du bail à son fils.
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